Note de la fic :
Publié le 29/09/2013 à 23:38:33 par ElBloobs
Le roi se faisait vieux. Bientôt la régence devrait passer de mains. Même l’élu de Dieu mourait comme les Hommes. Son héritier était encore paré de son nom de jeunesse : Joseph et allait sur ses seize ans. Il fallait préparer son accession au trône. Et quoi de mieux qu’un nouveau régent pour donner l’occasion de renforcer les liens entre l’Empire de l’Est et le Saint Royaume Français ? De nouveaux traités pourraient s’écrire et, qui sait, le prince s’amouracherait peut-être d’une princesse née de l’autre côté des Terres Mortes.
Tout ce voyage à bord du Saint-Antoine, premier vaisseau à décoller des ports de Marseille depuis plus d’un siècle n’était là que pour ça. D’abord le prince était monté avec un contingent de ses Gardes Suisses ainsi qu’une délégation de chaque Grand Ordre. Puis les asiatiques étaient venus, eux aussi en force : en plus de leur propre garde impériale accompagnant l’Empereur de l’Est étaient présents chacun des Royaumes. Des dizaines de conseillers et de concubines accompagnant des dignitaires politiques, des centaines de serviteurs… Le prince Joseph n’avait pas hésité bien sûr à faire embarquer sa propre cohorte de suiveurs.
Sieur Paul de Saint-Ange n’aimait pas ça. Des jours difficiles l’attendaient. Des jours faits de palabres interminables, de langue de bois et de faux semblants. Où était la Foi là dedans ? Sieur Paul doutait du bien fondé de ces opérations. Mais douter de la volonté du Roi c’était douter de la volonté de Dieu Lui-même et cela, il ne pouvait se le permettre.
-Belle vue, n’est-ce pas ?
Seul un léger accent trahissait les origines de l’homme qui venait de briser le silence sépulcral. La prononciation était parfaite.
-L’œuvre de Dieu est en effet toujours fascinante. Répondit le vieil homme
-A qui ai-je l’honneur ? Demanda-t-il en se tournant vers son interlocuteur.
-Huang Tse-Pô, de la maison des Tse. Lui répondit-il en s’inclinant.
Il portait une armure traditionnelle, de même apparence que celles que ses ancêtres samouraïs enfilaient avant de partir en guerre, vers le XIIème siècle. Mais Sieur Paul savait qu’elle était bien plus que ce qu’elle paraissait. Faite non d’acier mais de plaques de polymères et de céramite, travaillées avec une précision d’orfèvre, dorées et peintes pendant des heures. Pouvant encaisser des balles anti-blindage à bout portant. Toutes ces protections étaient montées sur un exosquelette dernière génération datant probablement d’avant les Flammes et greffé au système nerveux du guerrier. Il devait être capable de tordre de l’acier et de fracasser du béton armé avec une seule main. Son visage était caché par un masque grimaçant. Ses yeux par des lentilles teintées éclairées de rouge.
-Paul de Saint-Ange, premier archiviste du Nouvel Ordre du Temple, je suis honoré. On parle beaucoup de votre maison, on dit que votre sens de l’honneur est infaillible.
Et que votre talent pour cacher vos méfaits encore plus pensa-t-il.
-Et ce que j’ai entendu des Templiers n’est pas moins élogieux. Fit Hsuang Tse-Pô en s’inclinant une nouvelle fois.
Paul lisait en ses pensées comme s’il les avait prononcées à voix haute. « On dit aussi que vous êtes des arriérés, des paysans manipulés par un roi faible et se rattachant à leur faux dieu » pensait l’asiatique.
Le sourire de Paul s’élargit.
-C’est bien trop bon de votre part.
Il ne savait vraiment pas s’il tiendrait le coup.
Démonter, huiler, vérifier, remonter. La force de l’habitude dans ses doigts, le sergent Pierre Lafayette entretenait son fusil.
C’était la cinquième fois qu’il effectuait l’opération. La lourde arme d’assaut d’un noir mat était toujours aussi précise efficace et mortelle. Et pourtant, il recommença. Pour Pierre, l’acte n’était pas une fin en soi. La fin c’était la perfection. N’importe quel païen pouvait démonter une arme. Mais le faire en un temps record et parfaitement ? La perfection était réservée aux élus de Dieu, et il fallait se montrer digne de la recevoir. Alors Pierre s’entraînait. A trente ans, il était premier sergent du Feu Divin. Un honneur pour quelqu’un de son âge. Le Feu Divin n’accueillait que les meilleurs et les plus douées, à bord, le seul qui outrepassait son autorité en tant que militaire était le Commandant Raphaël. Et le Prince bien sûr, mais l’autorité du futur régent de seize ans était bien fantoche face au charisme des hommes formant le bras armé des Templiers et par extension, de Dieu.
Mais cela n’était pas assez pour Pierre. Ce qu’il voulait, c’était l’occasion de faire ses preuves, de savoir enfin si Dieu l’avait choisi pour une raison. Le Commandant Raphaël l’avait eue cette occasion, il avait gravi les échelons grâce à elle…
Le sergent se rappelait encore les enregistrements recueillis sur l’armure du Commandant après son coup d’éclat. Chaque année, à l’école d’officiers, on les montrait aux nouveaux prétendants. On les étudiait encore aujourd’hui sans doute. Il s’en rappelait encore et ne les oublierait sans doute jamais.
Dix ans plus tôt.
Sous son casque, Raphaël suait à grosses gouttes. La Foi est une chose, le tir d’une mitrailleuse lourde rasant son crâne en était une autre, bien plus concrète, et l’espace d’un instant, il oublia tout de Dieu pour se concentrer sur sa survie. Il se tassa un peu plus à l’abri du muret de béton armé lui servant de couverture et prit quelques secondes pour réexaminer la situation. Les données défilant devant ses yeux étaient claires. Ils étaient dans une belle merde.
La bande de pillards qu’ils pourchassaient les avaient attirés dans l’immeuble en décombres. Autour d’eux, la majorité des murs étaient pourvus de trous de plusieurs mètres diffusant la lumière grise du jour autour de leurs corps. Ils étaient sur le point de les avoir quand la mitrailleuse avait craché ses premiers tirs. L’arme devait avoir trente ans ? Elle avait fauché le bras de Jacques comme s’il ne portait pas son armure.
Raphaël jeta un œil au soldat. Il était blême mais l’armure s’était resserrée en un garrot sommaire autour de son moignon et lui avait administré une dose plus que correcte d’analgésiques, il survivrait. S’ils le ramenaient à temps au Temple.
Raphaël et son escouade étaient coincés au troisième des cinq étages de l’immeuble à architecture haussmannienne qui devait être du plus bel effet il y à plusieurs siècles. Le sergent se décida.
-Luc, Charles, vous couvrez toutes les entrées, ils doivent pas nous surprendre ! Martin et Julien, vous envoyez tout ce que vous pouvez vers la mitrailleuse.
Les hommes réagirent en une fraction de seconde. Martin couvrant Julie le temps que celui-ci installe le bipied de son arme, sœur jumelle de celle leur faisant face. L’échange de coups de feu s’intensifia ? Le claquement mat du fusil de Martin, le crépitement nerveux de l’arme de l’artilleur et, comme fond sonore, le grondement bestial de la machinerie lourde ennemie.
-Martial, tu t’occupes de Jacques, et tu prends provisoirement le commandement, je vais déloger la mitrailleuse.
-Oui Sergent !
Sans même écouter la réponse, Raphaël fonce vers la porte la plus proche. D’un puissant coup d’épaule il l’arrache de ses gonds pour tomber, littéralement, sur deux pillards.
-Merde ! Fait celui resté debout.
Le soldat ne lui laisse pas le temps de reprendre ? Il lui balance son poing ganté dans la mâchoire, de toute la force de son bras. Un craquement retentit dans la pièce. L’homme tombe. D’un coup de talon, il broie la gorge de son camarade encore à terre.
Le sang du mercenaire n’a pas encore fini de l’étouffer que le Templier a quitté la pièce.
Devant l’escalier, il hésite. Il finit par envoyer une grenade fumigène par un rebond dans l’étage supérieur.
Lorsqu’il monte, la salle est emplie de fumée orange. Il change le filtre de son casque pour basculer sur infrarouges. A temps. Il se lance sur sa gauche tandis qu’une volée de balles rase son flanc. Il atterrit brutalement sur son épaule et fissure le sol. Deux rafales courtes sortent de son arme et viennent fracasser la cage thoracique de la silhouette ambrée qui vient de lui tirer dessus. Il se remet debout. Son champ de vision n’est que volutes de gris. Il se remet à avancer, fusil levé. Deux ombres oranges descendent les escaliers. Son doigt presse la détente, deux courtes fois. Puis encore une. Les hommes s’effondrent et s’affalent en glissant sur les marches. Soudain, le vitre à sa droite explose. Il se jette en avant et finit allongé, cherchant à se fondre avec le sol. Son plastron blanc cassé racle les éclats de verre et de maçonnerie par terre. Des volées de projectiles haute-vélocité passent à quelques centimètres de son dos. Il hurle dans son casque.
-Il se passe quoi avec le tir de couverture ?!
-On est pris de flanc, on arrive plus à les contenir ! Lui hurle Martial.
Puis la communication se coupe, seuls des grésillements répondent à ses demandes. En consultant l’affichage médical, il voit le symbole représentant Martial s’iriser de rouge. Décédé. Et Martin est salement touché.
Il commence à ramper, la cage d’escalier n’a pas de fenêtres et ses murs épais ne sont pas encore tombés. Une fois dedans il respire enfin.
Il décide de ne pas prendre le risque de passer par le cinquième étage. Il vide son chargeur sur le plafond. Rechargement. Puis le saut. Il se propulse d’un second coup de pied sur le mur et ses mains agrippent l’ouverture déchiquetée dans le béton. Une dernière traction de toute la force de ses bras et de son armure et il se retrouve à l’air libre, sans rien d’autre au dessus de sa tête casquée sinon le ciel gris. Quelques pas d’élan en arrière, il met son fusil en bandoulière. Puis la course. Le sol tressaute devant ses yeux, il pose enfin sa semelle antidérapante contre le rebord du toit et le vide s’ouvre sous lui.
Il sollicite son armure au maximum et s’envole, littéralement. Le bâtiment d’en face n’a plus de toit, la mitrailleuse est à l’air libre. Il croise le regard de l’homme qui sert de canonnier, une bande de cartouches à la main ? Ses pupilles se contractent. Puis il est écrasé par la masse de trois-cent cinquante kilos du Templier en armure. Le tireur se tourne et tombe en face d’une statue de métal en noir et blanc, rehaussée de sang et de poussière. Sa visière est opaque, mais il sait que s’il pouvait voir les yeux derrière, il ne verrait rien d’humain. Seulement le regard d’un ange vengeur.
-Pitié… Souffle-t-il.
Raphaël sort son arme de poing et l’abat d’un tir en pleine tête.
La suite de la carrière de Raphaël n’a été qu’une montée fulgurante jusqu’au digne rang de Commandant. C’est à cela que Pierre pensait en remontant son fusil. Il ne lui manquait qu’une occasion de prouver ses capacités.
Et Dieu la lui donnerait.
Tout ce voyage à bord du Saint-Antoine, premier vaisseau à décoller des ports de Marseille depuis plus d’un siècle n’était là que pour ça. D’abord le prince était monté avec un contingent de ses Gardes Suisses ainsi qu’une délégation de chaque Grand Ordre. Puis les asiatiques étaient venus, eux aussi en force : en plus de leur propre garde impériale accompagnant l’Empereur de l’Est étaient présents chacun des Royaumes. Des dizaines de conseillers et de concubines accompagnant des dignitaires politiques, des centaines de serviteurs… Le prince Joseph n’avait pas hésité bien sûr à faire embarquer sa propre cohorte de suiveurs.
Sieur Paul de Saint-Ange n’aimait pas ça. Des jours difficiles l’attendaient. Des jours faits de palabres interminables, de langue de bois et de faux semblants. Où était la Foi là dedans ? Sieur Paul doutait du bien fondé de ces opérations. Mais douter de la volonté du Roi c’était douter de la volonté de Dieu Lui-même et cela, il ne pouvait se le permettre.
-Belle vue, n’est-ce pas ?
Seul un léger accent trahissait les origines de l’homme qui venait de briser le silence sépulcral. La prononciation était parfaite.
-L’œuvre de Dieu est en effet toujours fascinante. Répondit le vieil homme
-A qui ai-je l’honneur ? Demanda-t-il en se tournant vers son interlocuteur.
-Huang Tse-Pô, de la maison des Tse. Lui répondit-il en s’inclinant.
Il portait une armure traditionnelle, de même apparence que celles que ses ancêtres samouraïs enfilaient avant de partir en guerre, vers le XIIème siècle. Mais Sieur Paul savait qu’elle était bien plus que ce qu’elle paraissait. Faite non d’acier mais de plaques de polymères et de céramite, travaillées avec une précision d’orfèvre, dorées et peintes pendant des heures. Pouvant encaisser des balles anti-blindage à bout portant. Toutes ces protections étaient montées sur un exosquelette dernière génération datant probablement d’avant les Flammes et greffé au système nerveux du guerrier. Il devait être capable de tordre de l’acier et de fracasser du béton armé avec une seule main. Son visage était caché par un masque grimaçant. Ses yeux par des lentilles teintées éclairées de rouge.
-Paul de Saint-Ange, premier archiviste du Nouvel Ordre du Temple, je suis honoré. On parle beaucoup de votre maison, on dit que votre sens de l’honneur est infaillible.
Et que votre talent pour cacher vos méfaits encore plus pensa-t-il.
-Et ce que j’ai entendu des Templiers n’est pas moins élogieux. Fit Hsuang Tse-Pô en s’inclinant une nouvelle fois.
Paul lisait en ses pensées comme s’il les avait prononcées à voix haute. « On dit aussi que vous êtes des arriérés, des paysans manipulés par un roi faible et se rattachant à leur faux dieu » pensait l’asiatique.
Le sourire de Paul s’élargit.
-C’est bien trop bon de votre part.
Il ne savait vraiment pas s’il tiendrait le coup.
Démonter, huiler, vérifier, remonter. La force de l’habitude dans ses doigts, le sergent Pierre Lafayette entretenait son fusil.
C’était la cinquième fois qu’il effectuait l’opération. La lourde arme d’assaut d’un noir mat était toujours aussi précise efficace et mortelle. Et pourtant, il recommença. Pour Pierre, l’acte n’était pas une fin en soi. La fin c’était la perfection. N’importe quel païen pouvait démonter une arme. Mais le faire en un temps record et parfaitement ? La perfection était réservée aux élus de Dieu, et il fallait se montrer digne de la recevoir. Alors Pierre s’entraînait. A trente ans, il était premier sergent du Feu Divin. Un honneur pour quelqu’un de son âge. Le Feu Divin n’accueillait que les meilleurs et les plus douées, à bord, le seul qui outrepassait son autorité en tant que militaire était le Commandant Raphaël. Et le Prince bien sûr, mais l’autorité du futur régent de seize ans était bien fantoche face au charisme des hommes formant le bras armé des Templiers et par extension, de Dieu.
Mais cela n’était pas assez pour Pierre. Ce qu’il voulait, c’était l’occasion de faire ses preuves, de savoir enfin si Dieu l’avait choisi pour une raison. Le Commandant Raphaël l’avait eue cette occasion, il avait gravi les échelons grâce à elle…
Le sergent se rappelait encore les enregistrements recueillis sur l’armure du Commandant après son coup d’éclat. Chaque année, à l’école d’officiers, on les montrait aux nouveaux prétendants. On les étudiait encore aujourd’hui sans doute. Il s’en rappelait encore et ne les oublierait sans doute jamais.
Dix ans plus tôt.
Sous son casque, Raphaël suait à grosses gouttes. La Foi est une chose, le tir d’une mitrailleuse lourde rasant son crâne en était une autre, bien plus concrète, et l’espace d’un instant, il oublia tout de Dieu pour se concentrer sur sa survie. Il se tassa un peu plus à l’abri du muret de béton armé lui servant de couverture et prit quelques secondes pour réexaminer la situation. Les données défilant devant ses yeux étaient claires. Ils étaient dans une belle merde.
La bande de pillards qu’ils pourchassaient les avaient attirés dans l’immeuble en décombres. Autour d’eux, la majorité des murs étaient pourvus de trous de plusieurs mètres diffusant la lumière grise du jour autour de leurs corps. Ils étaient sur le point de les avoir quand la mitrailleuse avait craché ses premiers tirs. L’arme devait avoir trente ans ? Elle avait fauché le bras de Jacques comme s’il ne portait pas son armure.
Raphaël jeta un œil au soldat. Il était blême mais l’armure s’était resserrée en un garrot sommaire autour de son moignon et lui avait administré une dose plus que correcte d’analgésiques, il survivrait. S’ils le ramenaient à temps au Temple.
Raphaël et son escouade étaient coincés au troisième des cinq étages de l’immeuble à architecture haussmannienne qui devait être du plus bel effet il y à plusieurs siècles. Le sergent se décida.
-Luc, Charles, vous couvrez toutes les entrées, ils doivent pas nous surprendre ! Martin et Julien, vous envoyez tout ce que vous pouvez vers la mitrailleuse.
Les hommes réagirent en une fraction de seconde. Martin couvrant Julie le temps que celui-ci installe le bipied de son arme, sœur jumelle de celle leur faisant face. L’échange de coups de feu s’intensifia ? Le claquement mat du fusil de Martin, le crépitement nerveux de l’arme de l’artilleur et, comme fond sonore, le grondement bestial de la machinerie lourde ennemie.
-Martial, tu t’occupes de Jacques, et tu prends provisoirement le commandement, je vais déloger la mitrailleuse.
-Oui Sergent !
Sans même écouter la réponse, Raphaël fonce vers la porte la plus proche. D’un puissant coup d’épaule il l’arrache de ses gonds pour tomber, littéralement, sur deux pillards.
-Merde ! Fait celui resté debout.
Le soldat ne lui laisse pas le temps de reprendre ? Il lui balance son poing ganté dans la mâchoire, de toute la force de son bras. Un craquement retentit dans la pièce. L’homme tombe. D’un coup de talon, il broie la gorge de son camarade encore à terre.
Le sang du mercenaire n’a pas encore fini de l’étouffer que le Templier a quitté la pièce.
Devant l’escalier, il hésite. Il finit par envoyer une grenade fumigène par un rebond dans l’étage supérieur.
Lorsqu’il monte, la salle est emplie de fumée orange. Il change le filtre de son casque pour basculer sur infrarouges. A temps. Il se lance sur sa gauche tandis qu’une volée de balles rase son flanc. Il atterrit brutalement sur son épaule et fissure le sol. Deux rafales courtes sortent de son arme et viennent fracasser la cage thoracique de la silhouette ambrée qui vient de lui tirer dessus. Il se remet debout. Son champ de vision n’est que volutes de gris. Il se remet à avancer, fusil levé. Deux ombres oranges descendent les escaliers. Son doigt presse la détente, deux courtes fois. Puis encore une. Les hommes s’effondrent et s’affalent en glissant sur les marches. Soudain, le vitre à sa droite explose. Il se jette en avant et finit allongé, cherchant à se fondre avec le sol. Son plastron blanc cassé racle les éclats de verre et de maçonnerie par terre. Des volées de projectiles haute-vélocité passent à quelques centimètres de son dos. Il hurle dans son casque.
-Il se passe quoi avec le tir de couverture ?!
-On est pris de flanc, on arrive plus à les contenir ! Lui hurle Martial.
Puis la communication se coupe, seuls des grésillements répondent à ses demandes. En consultant l’affichage médical, il voit le symbole représentant Martial s’iriser de rouge. Décédé. Et Martin est salement touché.
Il commence à ramper, la cage d’escalier n’a pas de fenêtres et ses murs épais ne sont pas encore tombés. Une fois dedans il respire enfin.
Il décide de ne pas prendre le risque de passer par le cinquième étage. Il vide son chargeur sur le plafond. Rechargement. Puis le saut. Il se propulse d’un second coup de pied sur le mur et ses mains agrippent l’ouverture déchiquetée dans le béton. Une dernière traction de toute la force de ses bras et de son armure et il se retrouve à l’air libre, sans rien d’autre au dessus de sa tête casquée sinon le ciel gris. Quelques pas d’élan en arrière, il met son fusil en bandoulière. Puis la course. Le sol tressaute devant ses yeux, il pose enfin sa semelle antidérapante contre le rebord du toit et le vide s’ouvre sous lui.
Il sollicite son armure au maximum et s’envole, littéralement. Le bâtiment d’en face n’a plus de toit, la mitrailleuse est à l’air libre. Il croise le regard de l’homme qui sert de canonnier, une bande de cartouches à la main ? Ses pupilles se contractent. Puis il est écrasé par la masse de trois-cent cinquante kilos du Templier en armure. Le tireur se tourne et tombe en face d’une statue de métal en noir et blanc, rehaussée de sang et de poussière. Sa visière est opaque, mais il sait que s’il pouvait voir les yeux derrière, il ne verrait rien d’humain. Seulement le regard d’un ange vengeur.
-Pitié… Souffle-t-il.
Raphaël sort son arme de poing et l’abat d’un tir en pleine tête.
La suite de la carrière de Raphaël n’a été qu’une montée fulgurante jusqu’au digne rang de Commandant. C’est à cela que Pierre pensait en remontant son fusil. Il ne lui manquait qu’une occasion de prouver ses capacités.
Et Dieu la lui donnerait.