Note de la fic :
Publié le 19/08/2013 à 01:11:47 par Pseudo supprimé
Grelotant dans le poste de veille. Lyan scrutait avec lassitude la rougeoyante pénombre nocturne. Malgré son lourd uniforme de soldat, la température restait éprouvante. Nulle activité sur les remparts sud ne venait troubler le silence glacial. Rien, sinon les quelques crépitements du feu, et les quelques cartes qui s'abattaient à tours de rôles sur la table déjà bien usée de la petite salle. De temps à autre, l'un des trois gardes devait se lever jusque dans le coin de la pièce. À la louche, il puisait un peu d'essence dans le lourd tonneau de naphte pour en arroser généreusement le foyer. Alors, dans un crépitement d'étincelles, les flammes semblaient reprendre vie. Elles battaient à nouveau l'air de leur douce chaleur et le jeune homme se surprenait à se perdre dans ses souvenirs.
Accoudé sur les vieilles pierres, Lyan soupira. La vie d'engagé n'était décidément en rien ce qu'il avait pu imaginer de toute son enfance. Aucun combat sinon la lutte perpétuelle avec l'horizon. Ça et l'emprise du temps qui semblait s'étirer, prolonger son tour de garde au-delà du supportable.
Malheureusement, rien n'y faisait, alors on jouait aux cartes, buvait, propageait les ragots et plaisanteries bien grasses sur les dames de la cour. Mais quelle misère pour un jeune soldat n'ayant pas encore perdu l'espoir d'accomplir quelque chose de grand de sa vie !
Depuis la 4e grande conquête jamais il n'avait été ramené le moindre semblant d'accroc sur les forts de l'imperium. Mais après tout, rien n'était impossible non ? Même ici, sur cette petite ile, au confin de l'Abîme. Alors, Lyan replongeait son regard par delà les remparts, dans les faibles ténèbres, dans les lueurs écarlates de l'infini précipice, espérant qu'un événement viendrait un peu égayer la nuit. Rêvant à ces monstres de métal qui, jadis, sortaient du grand vide et jaillissaient des cieux.
« La couleur bat la suite !!! Cracha un vieux vétéran dans son dos de sa voix glaireuse, appuyant ses propos en éclatant sa propre chope de bière sur la table. Ahah ! Donne-moi tes gélules maintenant sale rapace !
— Et depuis quand t'inventes les règles ! Espèce de tricheur ! Putain d'alcoolique ! Retourne plutôt gober ton foutu Phobos !!!»
Le jeune homme pesta du coin des remparts. C'était toujours comme ça que les nuits se finissaient. Une table volait, de temps à autre une déclaration en duel, une tête écrasée achevait la nuit dans un bac de bière, et puis... Et puis, à l'approche du jour, la peur des échelons supérieurs faisait soudainement tout rentrer dans l'ordre. Ennuyeux à en crever... Pourquoi s'était-il engagé déjà ?
Soudainement, un lourd raclement le tira de ses pensées. Une chaise tomba au sol. Debout, le vieil ivrogne peinait à trouver son équilibre. L'autre repoussa vivement son siège avant de reculer.
« Bordel ! Tu fais quoi ?!
— Je vais te tuer, pouffiasse ! Eructa le dépravé, au travers de sa barbe crasseuse. Moi les pt'its con, j'aime pas ça...»
Paniqué, le jeune joueur sortit un lourd couteau de sa botte. Sa lame s'éleva d'une main tremblante. Il criait :
« Assieds-toi ! Enculé ! Si tu t'approches, je te taille !»
Instinctivement, Lyan posa la main sur le pommeau de son épée. C'était plus pour se rassurer qu'autre chose. Après tout, une fois la dérouillé achevée, les choses allaient bien fini par se calmer.
Mais déjà le vieil homme saisit une chaise de sa main graisseuse. Il riait bien fort en avançant vers sa proie, bondissant maladroitement sur la table. Les cartes pliaient sous ses lourdes bottes. La chaise s'abattit, une fois, puis deux... Son adversaire fléchissait sous les coups, avant de parvenir à empoigner le siège. L'agrippant fermement il tira d'un coup sec.
Alors, le vieil homme bascula tête la première. Il beuglait en voyant le bras du soldat fuser. Le couteau faucha l'air, glissant jusque dans sa bouche ouverte. La morsure du métal cisailla sa joue, tranchant ses muscles dans une ignoble gerbe de sang. L'infirme hurla d'horreur.
S'écroulant à même le sol, pétri de douleur, il eu cependant tôt fait de se relever. Ses bottes prirent appuie sur le sol souillé pour le propulser brutalement sur son ennemi. Les deux corps s'entrechoquèrent. Ils roulèrent à travers la pièce jusqu'à ce que l'ivrogne, fulminant de rage, assène un fantastique coup de tête à son assaillant.
Lyan frémit de dégout. Le nez du jeune soldat explosa dans un craquement sourd. Alors, jubilant de sa victoire, le vétéran entraina son corps encore raide jusqu'au bidon d'essence. Une gerbe de pétrole en jaillit; la tête plongeait dans le liquide poisseux.
« Alors !!! Hein ! C'est qui le tricheur maintenant ?! Enculé de putrescent !!! »
Le vieil homme serrait la mâchoire, les dents saillantes. Bien visible au travers de la balafre sanglante. Il hurlait de rage. Retenant d'une poigne d'acier le coup de son malheureux compagnon de jeu. Lequel se noyait en gesticulant dans le lourd tonneau de naphte.
« Que je gobe du Phobos, hein ?! Rugit-il dans une repoussante coulée glaireuse. Bouffe-moi plutôt ce bidon !!! Mais... »
Basculant sur le côté, le tonneau déversa tout son contenu. Le soldat tomba brutalement à terre, recouvert de pétrole. Le liquide poisseux se déversa en tous sens, avalant les vieilles pierres, sinuant tel un reptile à travers les fines fissures. Le foyer semblait frémir d'impatience.
Lyan écarquilla les yeux :
« LE FEU !!!»
Les gardes, tétanisés, semblaient ne pas croire eux-mêmes ce qui allait se passer. Seul le naphte continuait de serpenter, lentement, ondulant sur les dalles froides à mesure de sa progression. Jusqu'à quelques centimètres des flammes...
Soudain, l'onde de chaleur perça la mince couche d'air qui la séparait de sa délivrance. Tout déflagra. Enfin libéré de ses chaines, le foyer détonna en un hurlement dévastateur. Le souffle de feu incendia la salle entière, léchant les murs, calcinant les meubles.
Couvert de naphte enflammé, le jeune soldat hurlait. Il appelait une mort qui ne voulait pas le prendre. L'odeur de chair calcinée gagnait les palissades en bois. Sa peau fondait. Dans un dernier sursaut, il se jeta sur l'ivrogne. Ses mains consumées agrippèrent son visage tordu d'horreur. Les deux hommes chutèrent dans la mer de flammes, se noyant en un ultime hurlement d'épouvante pur.
C'est alors que, actionné par le feu, le vibreur de la tourelle se mit en marche. La sonnerie d'alarme, à peine audible, s'éleva doucement.
Terrorisé, Lyan se précipita en dehors de la bâtisse. Émergeant à grand-peine, noir de fumé, il contempla sans y croire le gigantesque flambeau qu'était devenu le poste de veille. Posé sur les remparts, irradiant de chaleur tel un phare phénoménal, il illuminait la nuit, narguant de Sa Majesté le frêle soldat qui vomissait à ses pieds. Et la sonnerie d'alarme qui filait toujours, transcendant à présent l'imaginable, fusait au travers de l'ile entière.
Pétrifié de douleur Lyan porta les mains à ses tympans. Un cauchemar, c'était un cauchemar. Jamais dans ses pires craintes il n'avait imaginé chose pareille. Ses yeux le brulaient affreusement. Il allait se couvrir la figure de ses mains, moites de sueur, lorsqu’un nouveau hurlement le ramena à lui.
« Petit, ne reste pas là !!! Ils arrivent !»
Accoudé sur les vieilles pierres, Lyan soupira. La vie d'engagé n'était décidément en rien ce qu'il avait pu imaginer de toute son enfance. Aucun combat sinon la lutte perpétuelle avec l'horizon. Ça et l'emprise du temps qui semblait s'étirer, prolonger son tour de garde au-delà du supportable.
Malheureusement, rien n'y faisait, alors on jouait aux cartes, buvait, propageait les ragots et plaisanteries bien grasses sur les dames de la cour. Mais quelle misère pour un jeune soldat n'ayant pas encore perdu l'espoir d'accomplir quelque chose de grand de sa vie !
Depuis la 4e grande conquête jamais il n'avait été ramené le moindre semblant d'accroc sur les forts de l'imperium. Mais après tout, rien n'était impossible non ? Même ici, sur cette petite ile, au confin de l'Abîme. Alors, Lyan replongeait son regard par delà les remparts, dans les faibles ténèbres, dans les lueurs écarlates de l'infini précipice, espérant qu'un événement viendrait un peu égayer la nuit. Rêvant à ces monstres de métal qui, jadis, sortaient du grand vide et jaillissaient des cieux.
« La couleur bat la suite !!! Cracha un vieux vétéran dans son dos de sa voix glaireuse, appuyant ses propos en éclatant sa propre chope de bière sur la table. Ahah ! Donne-moi tes gélules maintenant sale rapace !
— Et depuis quand t'inventes les règles ! Espèce de tricheur ! Putain d'alcoolique ! Retourne plutôt gober ton foutu Phobos !!!»
Le jeune homme pesta du coin des remparts. C'était toujours comme ça que les nuits se finissaient. Une table volait, de temps à autre une déclaration en duel, une tête écrasée achevait la nuit dans un bac de bière, et puis... Et puis, à l'approche du jour, la peur des échelons supérieurs faisait soudainement tout rentrer dans l'ordre. Ennuyeux à en crever... Pourquoi s'était-il engagé déjà ?
Soudainement, un lourd raclement le tira de ses pensées. Une chaise tomba au sol. Debout, le vieil ivrogne peinait à trouver son équilibre. L'autre repoussa vivement son siège avant de reculer.
« Bordel ! Tu fais quoi ?!
— Je vais te tuer, pouffiasse ! Eructa le dépravé, au travers de sa barbe crasseuse. Moi les pt'its con, j'aime pas ça...»
Paniqué, le jeune joueur sortit un lourd couteau de sa botte. Sa lame s'éleva d'une main tremblante. Il criait :
« Assieds-toi ! Enculé ! Si tu t'approches, je te taille !»
Instinctivement, Lyan posa la main sur le pommeau de son épée. C'était plus pour se rassurer qu'autre chose. Après tout, une fois la dérouillé achevée, les choses allaient bien fini par se calmer.
Mais déjà le vieil homme saisit une chaise de sa main graisseuse. Il riait bien fort en avançant vers sa proie, bondissant maladroitement sur la table. Les cartes pliaient sous ses lourdes bottes. La chaise s'abattit, une fois, puis deux... Son adversaire fléchissait sous les coups, avant de parvenir à empoigner le siège. L'agrippant fermement il tira d'un coup sec.
Alors, le vieil homme bascula tête la première. Il beuglait en voyant le bras du soldat fuser. Le couteau faucha l'air, glissant jusque dans sa bouche ouverte. La morsure du métal cisailla sa joue, tranchant ses muscles dans une ignoble gerbe de sang. L'infirme hurla d'horreur.
S'écroulant à même le sol, pétri de douleur, il eu cependant tôt fait de se relever. Ses bottes prirent appuie sur le sol souillé pour le propulser brutalement sur son ennemi. Les deux corps s'entrechoquèrent. Ils roulèrent à travers la pièce jusqu'à ce que l'ivrogne, fulminant de rage, assène un fantastique coup de tête à son assaillant.
Lyan frémit de dégout. Le nez du jeune soldat explosa dans un craquement sourd. Alors, jubilant de sa victoire, le vétéran entraina son corps encore raide jusqu'au bidon d'essence. Une gerbe de pétrole en jaillit; la tête plongeait dans le liquide poisseux.
« Alors !!! Hein ! C'est qui le tricheur maintenant ?! Enculé de putrescent !!! »
Le vieil homme serrait la mâchoire, les dents saillantes. Bien visible au travers de la balafre sanglante. Il hurlait de rage. Retenant d'une poigne d'acier le coup de son malheureux compagnon de jeu. Lequel se noyait en gesticulant dans le lourd tonneau de naphte.
« Que je gobe du Phobos, hein ?! Rugit-il dans une repoussante coulée glaireuse. Bouffe-moi plutôt ce bidon !!! Mais... »
Basculant sur le côté, le tonneau déversa tout son contenu. Le soldat tomba brutalement à terre, recouvert de pétrole. Le liquide poisseux se déversa en tous sens, avalant les vieilles pierres, sinuant tel un reptile à travers les fines fissures. Le foyer semblait frémir d'impatience.
Lyan écarquilla les yeux :
« LE FEU !!!»
Les gardes, tétanisés, semblaient ne pas croire eux-mêmes ce qui allait se passer. Seul le naphte continuait de serpenter, lentement, ondulant sur les dalles froides à mesure de sa progression. Jusqu'à quelques centimètres des flammes...
Soudain, l'onde de chaleur perça la mince couche d'air qui la séparait de sa délivrance. Tout déflagra. Enfin libéré de ses chaines, le foyer détonna en un hurlement dévastateur. Le souffle de feu incendia la salle entière, léchant les murs, calcinant les meubles.
Couvert de naphte enflammé, le jeune soldat hurlait. Il appelait une mort qui ne voulait pas le prendre. L'odeur de chair calcinée gagnait les palissades en bois. Sa peau fondait. Dans un dernier sursaut, il se jeta sur l'ivrogne. Ses mains consumées agrippèrent son visage tordu d'horreur. Les deux hommes chutèrent dans la mer de flammes, se noyant en un ultime hurlement d'épouvante pur.
C'est alors que, actionné par le feu, le vibreur de la tourelle se mit en marche. La sonnerie d'alarme, à peine audible, s'éleva doucement.
Terrorisé, Lyan se précipita en dehors de la bâtisse. Émergeant à grand-peine, noir de fumé, il contempla sans y croire le gigantesque flambeau qu'était devenu le poste de veille. Posé sur les remparts, irradiant de chaleur tel un phare phénoménal, il illuminait la nuit, narguant de Sa Majesté le frêle soldat qui vomissait à ses pieds. Et la sonnerie d'alarme qui filait toujours, transcendant à présent l'imaginable, fusait au travers de l'ile entière.
Pétrifié de douleur Lyan porta les mains à ses tympans. Un cauchemar, c'était un cauchemar. Jamais dans ses pires craintes il n'avait imaginé chose pareille. Ses yeux le brulaient affreusement. Il allait se couvrir la figure de ses mains, moites de sueur, lorsqu’un nouveau hurlement le ramena à lui.
« Petit, ne reste pas là !!! Ils arrivent !»