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Les trucs et astuces de RDA


Par : Roi_des_aulnes
Genre : Nawak
Statut : C'est compliqué



Chapitre 7 : Les Noms


Publié le 29/11/2012 à 19:19:19 par Roi_des_aulnes

Les Noms.


Ah, l'un des plus grands problèmes de la littérature. Les noms. Généralement, il s'agit paradoxalement de la chose qui revient en dernier, quand on crée un personnage. Vous pouvez avoir un personnage très élaboré, sa psychologie construite, mais vous ne savez pas si vous allez l'appeler Ezio ou Enzo.
Et pourtant, il s'agit de l'élément le plus important, peut-être, du personnage. Parce que nous sommes dans un contexte où seul les mots, les dénominations, comptent, parce qu'il n'y a pas d'images ou d'autre sens. Quand vous présenterez un personnage, ce sera probablement par son nom que vous commencerez, avant même de le décrire. Et quand vous vous référerez à lui, vous ne parlerez jamais « du gars avec des rouflaquettes », mais bel et bien d'Arlon ou d'Edouard. Bref, en un mot : le nom est vital. Il fixe votre personnage à jamais.
Cet article, je le dis tout de suite, n'a pas pour objectif de régler le problème. Je l'ai moi-même. J'ai beaucoup de remarques à faire, donc cela sera sans doute un peu décousu, je suis navré.
Mais de vous permettre de, à partir de quelques indications très évidentes, d'exclure des noms, et de comprendre, un peu comme avec les titres, ce que les noms peuvent ou ne peuvent pas signifier.
Je vais diviser cette petite aide en trois passages, le premier parlant des « noms contemporains », que l'on peut trouver dans notre société occidentale. Le second parle des noms qui sont employés en Fantasy, et parfois en Science-fiction, ainsi que certains surnoms : des noms donc qui sont tiré du néant. Enfin, je parlerais un petit eu de l'idée de « noms secondaires », ou des surnoms, un point stylistique un peu particulier que je voudrais développer.


1- Prénoms probables, prénoms clichés, prénoms impossibles.
De façon générale, quand vous travaillez dans un contexte contemporain, vous n'avez pas le choix : vous ne pouvez pas créer de noms. Enfin, si, théoriquement vous le pouvez. Les lecteurs auront alors le sentiment que vous auriez si vous appreniez que cette petite blonde avec qui vous parlez depuis une heure s'appelle Dracanaëlle Ylumo. C'est possible, mais c'est bizarre, et dans notre monde, cela signifie soit que vous avez mélangé LSD et Games of Thrones, soit que ses parents sont vraiment cruel. En un mot : faites-en une exception et trouvez-moi une raison solide. Pour tous les autres, ce sera du Quentin, du Guillaume, du Alex, du Morgane, des trucs raisonnables.
De façon réaliste, aussi, les noms ne sont pas représentatifs de notre personnalité -bien qu'ils aient évidemment un impact sur la façon dont nous nous construisons.
En revanche, ils indiquent généralement le contexte de leur naissance et leur background social, ce qui vous dit déjà ce qu'il ne faut pas faire : cela indique le sexe, bien sur, mais aussi la langue (ne pas appeler un français Josh), la religion et « l'ethnie » (Il existe des rares fils de musulmans nommés Jean-François, aucun fils de catholique nommé Mohammed), le statut social (Steeve est un nom de pauvre, Claude un prénom de riche), et la période de sa naissance (quelqu'un qui est né au début des années 90 aura plus probablement un nom comme Antoine ou Guillaume, tandis que quelqu'un né à la fin des années 2000 aura plus probablement un nom comme Théo ou Lucas). Pour être réaliste, il faut bien sur que vos noms soient au moins possible selon le contexte, et, de préférence, probable.
C'est très évident, mais là vient la partie difficile: il faut que ça soit « probable », mais il ne faut pasque ça soit « caricatural » non plus. Appeler un riche François-Marie, un musulman Mohammed ou Fatima (même si il est d'origine indonésienne), un pauvre Steeve, un français Dupont, ce n'est pas lui donner un nom, c'est le foutre dans une case dont il ne pourra pas sortir. Il faut trouver un juste milieu. Dans ce cas, plutôt que d'utiliser des générateurs de noms, jeter un œil aux statistiques de la popularité du prénom dans le milieu choisi peut-être très utile, et ainsi sélectionner quelque chose qui n'est pas trop omniprésent, ni trop improbable.
Vous pensez que c'est déjà assez casse-gueule ? Y a mieux qui vient : voici l'intervention de l'écrivain.

2. Les sens d'un nom

Pour le moment, en effet, nous sommes partis d'un postulat qui vise l'ultra-réalisme, dans lequel le prénom ne signifie rien d'autre que le milieu social dans lequel on est né, et ne corrobore pas notre personnalité. Mais nous ne sommes pas forcément dans l'ultra-réalisme, et le nom est aussi un indicateur non pas uniquement sur d'où vient le personnage, mais aussi ce qu'il est. En un mot, nous allons jouer ici avec les connotations qui viennent naturellement à l'idée d'un nom, un symbolisme, des références, des sonorités, pour dire quelque chose du personnage dans son identité.
Beaucoup de noms n'ont pas forcément de connotations, du moins peu de fortes connotations. Prenons Jean, par exemple, qui est l'un des prénoms les plus neutres de la littérature française. Le truc, c'est que tout simplement, tout le monde ou presque a plusieurs potes qui s'appellent Jean, donc que la première impression qu'on pourrait avoir est remplacé par le souvenir de ces fameux potes.
Mais la plupart en ont. Cela vient d'une pluralité d'items qui se rattachent au nom. L'origine, par exemple : une Rose rappellera toujours la fleur, Théo Dieu. Des références ultra-connues, venues d'autres personnages ou personnalités qui ont portés ce nom : Ivan rappellera Ivan Karamazov, Louis les rois de France, Marc Antoine l'empereur romain. La sonorité, sur lequel je reviendrais un peu plus tard : comparez par exemple Lise, qui coule de suite, et Sarah, aux tons plus durs.
Je ne demande pas d'être au courant de toutes les références qui peuvent découler du choix d'un nom, de la totalité d'une analyse sur chaque prénom que vous créez. Je veux juste souligner que les références, les origines, sont de fait souvent un moyen pour trouver un nom intéressant. Que si vous cherchez à nommer quelqu'un, le mieux est de le nommer selon quelqu'un qui, pour vous, lui ressemble.
Sauf qu'à nouveau, comme pour la naissance, il faut prendre attention à ne pas coller aux stéréotypes et aux clichés. Il y a des milliers de façons de nommer une personne, et vous pouvez choisir, à dessein, de prendre un nom qui sonne bizarre, étrange par rapport au personnage. Cela crée un effet de décalage intéressant. Je me souviendrais toujours d'une fiction, posté sur Ecriture, qui avait un personnage masculin nommé Camille (ça existe, même si aujourd'hui, c'est plutôt rare). L'effet était stupéfiant. Imaginez un personnage faiblard qui s'appelle Alexandre. A la pute de votre histoire, trouvez un nom romantique. A un nom rare et exceptionnel, donnez un caractére sans importance et banal. Ce décalage va éveiller l'attention du lecteur, ce qui ne peut pas être mal : il vaut mieux un personnage qui ne colle pas du tout à son nom qu'un personnage qui n'est que la représentation de ce dernier.

2. Noms inventés.

Là, c'est à la fois plus simple et plus dur. Théoriquement, vous avez tous les choix possibles. De tout ce qu'on a dit sur les liens qui relient un nom à un univers de connaissance, ne reste théoriquement que la sonorité -et, à la rigueur, en cas de déformation de noms habituels, les liens de l'ancien nom un peu modifié. Le souci c'est que trop de choix tue le choix, et que souvent, il est difficile de bien faire sonner un nom.
Le truc des écrivains Fantasy, généralement, c'est de relier leur système nominal à leurs races, royaumes ou clans. Les noms des Dunedains, chez Tolkien, sont différents de ceux du Rohan. A chaque fois, notez rapidement un petit truc, une sonorité particulière, qui unit une famille ou un peuple. Là, déjà, vous réduirez considérablement les possibilités à chaque fois que vous devez trouver un nom. Si vous avez le courage, regardez aussi dans les noms « exotiques », les noms vietnamiens, perses, finnois. Souvent, vous trouverez aussi cette sorte de famille qui vous permettra de vous repérer, et qui donnera aussi au lecteur des repères, et l'impression que votre monde est complet. C'est pour cette raison que les générateurs aléatoires de noms doivent être ulisés selon moi avec la plus grande parcimonie : les noms, dans un monde fantasy, sont à la fois un élément d'identité du texte et un élément de sa structure : des noms sans originalité, sans consonnance particulière, distribuée de façon indistincte au Péon numéro 1 et au Seigneur des ténèbres, c'est tout un pan de la création qui s'écroule. Si vous choisissez des générateurs de noms, prenez ceux qui vous donnent le choix entre plusieurs cultures, plusieurs types sociaux, et attribuez à chacune de ses cultures son équivalent dans votre monde de Fantasy. Et encore, ça répare les dégats, ça ne les évite pas.
De façon aussi plus concrète, même si c'est un peu absurde, il est de coutume que les gens de classe populaire ait des noms qui sonnent plus occidentaux, plus « normaux », que les gens d'extractions nobles, les magiciens, les Seigneurs Noirs. Je suis pas fan, parce que les gens avaient coutumes de nommer leurs enfants selon les Saints et les Rois au Moyen-Âge, mais bon, cela dépend de votre univers.

4. Surnoms / Noms secondaires.

Avant de commencer ce dernier élément, il me faut expliquer ce que j'entend par là. Un nom, c'est le terme qu'utilise le narrateur principal, que ce nom soit celui donné à la naissance ou non. Dans la Tour Sombre, le nom de l'Homme en Noir, c'est l'Homme en Noir, pas Walter O'dim ou Randall Flagg. Ce que j’entends par surnom ou par nom secondaire, c'est quand le narrateur lui-même ou d'autres personnages ont l'habitude d'employer plusieurs nominations pour un personnage. C'est un effet stylistique dont je voudrais parler un peu rapidement ici, parce qu'il s'agit d'un élément stylistique intéressant.
Déjà, les personnages qui ont plusieurs noms représentent quelque chose : si on doit utiliser deux noms pour quelqu'un, cela signifie qu'il ne se laisse pas enfermer ni par l'un, ni par l'autre (c'est pas tout le temps vrai, notamment dans des mondes ou des univers anciens ou les gens adooorent foutre des surnoms à tout le monde, mais anyway). Là aussi, il faut voir dans quel contexte vous l'utilisez, qui emploient ces surnoms ou autre.
Ensuite, de façon un peu évidente, donner plusieurs noms à un personnage permet de lui donner ce qu'on pourrait appeler des réalités supplémentaires. Cela a à voir, en un sens, avec ce qu'on a déjà dit sur l'ambiguïté : des niveaux de lectures parrallèles donner à un personnage. Ceux qui ont eu l'erreur de lire de l'autofiction féminine contemporaine, avec tout ce que ça comporte de scène de cul mal écrites, auront déjà remarqué qu'au pieu, Michel se transforme soudain en « l'inconnu », « l'homme noir ». Il s'agit de surnom qu'une personne peut donner à une autre, ce qui nous arrive souvent dans la vie de tous les jours, sans jamais le dire à haute voix. Le surnom donne alors une indication sur comment la narratrice (qui est souvent l'auteure) voit sa relation avec Michel, et superpose donc deux identités différentes, une d'un individu avec un nom à la con, normal et classique, et une sorte de divinité quand il enléve son slip. Ouais, c'est terre-à-terre, mais c'est de la littérature.
Autre exemple, et cette fois-ci encore, je vais être obligé d'utiliser le Trône de Fer (faut dire que c'est tellement dense qu'on trouve des exemples d'un peu tout). Prenons Daenerys « Stormborn/du Typhon » Targaryen et son nom officiel. C'est ultra-violent : plein de r, plein de y, de t, de consonnes dur, ça fait mal à la bouche rien que de le dire à voix haute. Ce nom-là représente sans aucun doute ce qu'elle est par sa famille et par son destin, la fille d'une grande boucherie, d'un roi malade, d'une guerre civile, née en plein milieu d'un ouragan. Maintenant, quand Martin décide de lui donner la parole en la mettant P.O.V., il révèle comment elle s'appelle elle-même : Dany. Dany, c'est tellement enfantin, pur, joueur. Pour faire simple, quand j'entend Daenerys Targaryen, j'ai envie de prendre mon casque, mon épée et d'aller buter de l'orque sur de la musique épique. Quand j'entend Dany, ça me fait plutôt penser à jouer à la marelle. Et le personnage, précisément, hésite en permanence entre ces deux extrémités, entre la gamine rêveuse aux considérations d'adolescentes et la reine totalitaire qui a quand même trois putains de dragons. C'est un effet que vous devriez aussi utiliser avec parcimonie -vous pouvez pas le faire pour tous- mais qui peut être très utile pour montrer les déchirements dans un personnage.

C'est un peu sur cela que je ferais ma conclusion. Les noms peuvent avoir une importance cruciale dans le sens qu'ils donnent. Mais il ne faut pas oublier que le premier, et peut-être le seul point qui compte, et que tout le monde soit finalement à l'aise avec ce nom. Il nous est tous arrivé, depuis notre naissance, de rencontrer des gens dont le nom ne paraissait pas sonner avec leur caractère, qui n'ont pas été facile à retenir du premier coup, ou ce genre de chose. Mais dès qu'on connait bien cette personne, dès qu'on a pris une bière avec lui, qu'on a discuté un peu, le nom devient part constitutive de son identité, n'engage plus de réflexion. A ce moment-là, qu'il s'appelle Michel, Gertrude ou Jean-François, on en a plus rien eu à foutre. Ce qui veut dire que, et surtout si il s'agit d'un personnage récurrent, ce qui est important, c'est que vous même soyez à l'aise avec ce nom. Si vous le changez brusquement parce que, après analyse, il sonne un peu cliché, laissez-vous le temps de vous y habituer. Et, après tout ce que je viens de dire, je dois quand même dire que, à moins de noms vraiment exceptionnels ou étranges, les lecteurs s'y habitueront aussi. Il est très rare de « réussir » un nom. Il est encore plus difficile de complètement le rater.


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