Et moi qui pensais pouvoir être tranquille cette année.
Il fallait qu'il revienne dans ma vie et qu'on soit dans la même classe...

- Hey, fais la passe !
- La joue pas perso gros !

Les cris de mes acolytes me font sortir de ma torpeur.
J'esquisse un regard vers la droite: Je vois l'arbitre qui prépare un geste explicatif. Un coup d'oeil vers l'avant: deux défenseurs me barrent le chemin. Comme si ils allaient m'arrêter...
Trois pas, je m'élance et transperce le mur humain, les projetant au sol. Une grimace se dessine sur le visage du gardien, incapable de m'empêcher de marquer...

L'arbitre siffle la fin de la rencontre, avant même d'avoir pu me coller un avertissement.

Après que je serre la main aux adversaires malheureux, tout en esquissant un sourire hypocrite qui masquait mon dépit, mes deux potes (et coéquipiers) me rejoignirent.

- Sérieux Etienne, c'est pas la première fois que tu nous fais ce coup. Tu veux pas qu'on refasse comme l'année dernière... ça se voit que tu as fait exprès...
- Ça te dérange ? On a gagné non ? Lui répondis-je d'un ton effronté.

Le mec qui me fait la leçon, c'est Matthieu. Doux comme un agneau, costaud jusqu'aux sourcils. Une tête de plus que moi, malgré mon mètre quatre-vingt un.
Il m'étreint quand même brièvement l'épaule, en signe d'appréciation.

- Comment tu les as poutré les deux tocards ! Tu m'as l'air méchamment vénère aujourd'hui.
Ça c'est Damien, mais on le surnomme "Damien le fils de..." pour son amour de la baston et de l'engrénage.

Nous regagnâmes les vestiaires après quelques échanges avec le coach sur mon comportement anti-sportif, qu'est-ce que j'en avais à foutre...

Cet enfoiré d'Alex, il s'est payé ma tête, avec sa gueule de pet, comme s'il se fout de ta gueule en permanence. Genre il me rachète en physique alors qu'il vient même pas en cours. J'ai eu que 13 alors que j'ai taffé dur pour l'avoir. Et comment ça se fait qu'il sort avec une bombe pareil. Qu'est-ce qu'elle peut bien lui trouver à cet enfoiré ! Cette demi-portion, BORDEL JE COMPREND PAS ! JE LUI FOUS UN TUBE À ESSAI DANS L'ANUS À CETTE FIOTTE !

- Qu'est-ce qu'il t'arrives, pourquoi t'es énervé comme ça ? Tes équipiers commencent à se poser des questions, me demanda Matthieu en posant sa main sur mon épaule.
- Rien à foutre de cette bande de loosers !
- Ololoh, capitaine va pleurer...
- Ta gueule Damien ! On t'a rien demandé bouffon !
- Mouhahaha, calmos ducon ou j'viens te montrer qui est le papa...
- Tais-toi maintenant, laisse le tranquille. Intervint Matthieu pour calmer le jeu.
Maintenant, dis nous ce qui ne va pas... On est ami, tu peux nous dire.

- C'est pas tes oignons grand benêt.
- Calme-toi, on se connaît depuis combien de temps ? Trois ans ? T'as sacrifié une année pour nous, à nous de te le rendre...
- C'est cet enfoiré d'Alex ! Il se fout de notre gueule et vous vous en rendez même pas compte !
- J'le savais, t'es vraiment trop con ! Tu rages de lui à cause de sa meuf et du résultat du contrôle, t'avais tellement bossé dessus... Tu rages de lui parce qu'il gère plus que toi. Glissa Damien d'un ton provocateur.
- Toi je vais te...
Matthieu me retint avec sa force, comme à son habitude.

- Alors écoute-moi bien ducon. Si t'es en colère comme ça, c'est simple. Tu lui pètes la gueule, à lui et à sa copine et hop on en parle plus...
- Ne l'écoute pas, c'est pas l'exemple à suivre. Dit Matthieu en hochant la tête.

Nous restâmes ainsi pendant cinq minutes pendant qu'il se changeait, et il me vint une idée géniale. Il fallait juste que je trouve un moyen de les séparer tous les deux.
J'exposai mon plan à mes deux équipiers. Damien était bouche bée et accepta d'emblée de m'épauler. Il n'en fut pas de même pour Matthieu.

- Fais attention à ce que tu te prépares à faire. Tu risquerais de le regretter.
- Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous. Rétorqua Damien un sourire en coin.
- Tais-toi Damien, je parle à lui. Etienne, ce que tu t'apprêtes à faire, c'est blesser, peut-être grièvement, un mec sans raison.
- Roooh c'te Gandhi à la con... souffla Damien.
- Tu as déjà des problèmes avec Emilie Etienne. Tu ne devrais pas t'immiscer dans le couple d'un autre, et penser plutôt à réparer le tien. La haine appelle la haine...

De toute manière, ma décision était prise et plus rien n'aurait pu faire vaciller ma détermination. Il restait à savoir comment j'allais mettre en œuvre mon plan.

Je poussai la porte du gymnase qui donnait sur la rue plongée dans le noir. Ils me suivaient de près. Je pris une longue inspiration, profitant de l'air frais, en repensant à ce que j'allais lui faire...

Puis, nous nous enfonçâmes dans la nuit.