Note de la fic :
Publié le 22/07/2012 à 18:16:09 par Gregor
Je savais que nous ne nous reverrions plus après. Du moins, plus dans ces conditions. La suite serait différente, biaisée par une autre réalité. Une réalité retouchée par un « quelque chose » que je ne possédais pas encore. Un « quelque chose » qui allait peser dans la balance, et qui, malgré son poids insignifiant, renverserait l’ordre préétabli.
Une certaine solennité imprima mes gestes. Je m’asseyais sans hâte, concentrais mon attention au plus loin possible de l’horizon tremblotant, dans la cabine du transporteur.
Cette fois, il n’y eut aucun lien physique. Cela ne m’empêcha pas, encore une fois, de sentir cette sensation vertigineuse de chute infinie, qui cessa lorsque ma conscience s’écrasa sur un sol en béton brut. Mes mains posées sur le sol étaient glacées, mes genoux presque emmêlés me faisaient souffrir.
Je saignais. Le non-monde ne s’afficha pas comme les autres fois. Il était devenu parfaitement semblable à celui que je côtoyais tout le temps, hormis un ciel rose fuchsia qui teintait les murs fissurés de la cour où j’avais atterri.
Diogène se penchait sur moi, juste au creux de mon oreille droite. Je sentais son souffle tiède dans le fond glacé qui courrait autour de moi. Je frissonnais, de peur surtout.
— Alors ainsi, tu crois qu’il est temps pour nous de ne plus nous voir ?
Un clou avait surgi dans sa main. Il l’approcha délicatement de mon pied gauche, en ricanant.
— Qui contrôle qui dans ce jeu pervers, Kristian ?
Il le planta, lentement. Je serrais les dents en attendant que la douleur vienne, en vain.
— Ne t’inquiète pas, continua-t-il sans cesser de sourire sinistrement. Je ne veux pas que tu sois mal Kristian. Tu es encore trop important, pour l’instant au moins. Il faut juste que tu sois un peu peur, pour que tu comprennes davantage...
— Diogène, pourquoi est-ce que... pourquoi tu joues à ça ?
Je criais presque, effrayé.
— Il doit se passer quelque chose dans le chemin de ta vie. Et ce quelque chose, je voudrais que tu le partages avec moi. Pardon : que JE le partage avec NOUS.
Ma respiration sifflait. L’impression d’étouffer m’oppressait, angoissante.
— Mais... Mais Diogène, je ne t’ai jamais trahi !
— Je préfère prendre mes précautions avant même que tu n’aies le moindre doute concernant nos buts communs.
Il attrapa un second clou dans une poche de sa veste noire. Ses yeux pétillaient de sadisme. Comme le premier, il l’enfonça avec lenteur, dans l’autre pied.
— Maintenant que tu sais comment pourrait se terminer cette entrevue, souhaites-tu m’écouter un peu plus attentivement ?
Je déglutis bruyamment.
— Ou ... Oui, Diogène.
Il s’assit face à moi, le regard neutre, comme si rien de tout cela n’avait eu lieu.
— Marcus t’a trompé.
— Comment ça ? Demandais-je d’une voix hésitante entre la peur et la curiosité.
— Il t’a trompé comme il en a trompé beaucoup d’autres, à commencer par lui même. Il a beaucoup de circonstances atténuantes, certes, mais au final, il n’a jamais joué franc-jeu. N’oublie jamais ça, Kristian.
Il me fixa froidement.
— Je ne peux que t’avertir de ceci, même si j’en sais beaucoup plus. Mais garde toujours cela en tête : dans ce bal où tu danses à merveille, il y a toujours un marionnettiste pour tenir tes ficelles. NOS ficelles, devrais-je plutôt dire...
— Et pourquoi ne pas en dire davantage, Diogène ? Si je suis en danger à ce point ? Si effectivement, Marcus n’est pas celui qu’il dit être ?
Diogène inspira. Pour la première fois, je le vis secouer la tête de gauche à droite en ricanant. Mauvais signe.
— Marcus est mon premier créateur. Le codeur source de toute ma programmation basique. Et comme n’importe quel programme informatique, aussi évolué et indépendant que je sois, je reste soumis à des règles qu’il m’est impossible de briser.
— Et ces informations en font parties, c’est ça ?
— Pas tout à fait. Elles sont « en moi », si l’on peut dire, verrouillées par un mécanisme que lui seul peut rendre inopérant. J’ai beau savoir de quoi il en retourne, il n’y a absolument aucun moyen que je ne puisse les communiquer à l’extérieur, à commencer par toi.
— Alors, Marcus est la clef de ses propres questions ?
Il hocha affirmativement la tête, avant de poursuivre.
— La seule solution viable pour le forcer à rompre ces chaines, c’est de l’y forcer à le faire. Rien d’autre.
— Tu veux qu’on...
Je baissais le ton, comme si quelqu’un pouvait nous entendre ici.
— Tu veux qu’on le tue ?
— Disons que sa mort ne sera qu’un effet secondaire du « traitement » que nous devrons lui faire subir. Ce qui est dommage d’ailleurs, c’était un homme talentueux.
Il ne put réprimer un sourire mauvais.
— Il est des choses qu’on ne doit plus regretter, Kristian. Des choses ou des hommes comme Marcus.
Il fit un geste de la main. Les clous s’envolèrent, s’écrasant quelques mètres plus loin en soulevant une poussière sinistre.
— Tu n’as qu’à me laisser faire, continua Diogène. Il suffit d’établir un contact physique avec Marcus, et tout sera terminé. Plus aucune contestation possible, et tellement de choses que tu ne seras plus forcé d’ignorer.
Il me tendit une main amicale. Je le dévisageais, méfiant.
— Marches-tu, Kristian ?
Une seule seconde. Une seule seconde suffit à considérer cette demande, affreusement tentante. C’était si facile, à ma portée. En une heure même, tout pouvait être terminé. Oui, terminé, pour de bon.
La folie, la course contre la mort, la survie à la petite semaine, les doutes, les décisions difficiles. Une fois Marcus mort, il n’y aurait plus rien. Plus de lien familial non plus.
Oui, pour moi, c’était si tentant.
— Il n’y a plus de nous, maintenant, Diogène. Je veux tout finir, sans toi ni moi.
La terre trembla, se cassant net en de profondes failles. Les murs dégoulinèrent comme de la boue, sans bruit, en rependant leur matière irréelle en de molles sommités terreuses. La lumière inonda la cour où nous étions, et enfin, je vis l’horizon du Non-Monde.
Je voyais tout. Le connu et l’inconnu, fresque vivante qui ne dura qu’un millième de seconde. La peur se mêla à une sensation moins tranchée, celle du devoir accompli avec justesse. Diogène s’était figé, sans haine ni joie, simplement surprise dans sa propre disparition.
Il n’était néanmoins pas mort. Je le savais, je le sentais, comme quelque chose d’absolument indiscutable.
L’univers instable ne dura plus. Explosion totale, presque calme, tout le non-Monde disparu de mes yeux. Seul dans l’éclat blanc d’une lumière pure me baignait, me transportant ailleurs, je ne sais plus où.
Et il revint. Maître absolu. Je n’étais plus rien face à Lui. Le Globe Mécanique me faisait face, une seconde et ultime fois. Je pouvais le regarder, l’admirer dans toute sa splendeur et sa plénitude, perfection ultime qui se présentait face à moi.
Les stries orange qui courraient à sa surface portaient une vie indéfinissable, dans le même temps si artificiel et tellement proche de ce que la Nature pouvait accomplir. Un condensé d’énergie épurée, aux dimensions si colossales qu’aucune échelle ne pouvait espérer établir une comparaison réaliste.
Simplement là, dans le silence le plus absolu, au milieu de ténèbres infinies, nous nous faisons face.
Ce n’était pas une confrontation, encore moins une rencontre. Je savais que je n’avais plus rien à craindre de cet être, et que, bien au contraire, quelque chose de profondément positif allait en ressortir .
La réponse ne fut ni rapide ni longue à se révéler. L’orbe gigantesque surbrilla, les stries orange intensifiant leur clarté au point de recouvrir l’intégralité de la surface métallique. La nuit se déchira devant l’éclat de l’astre qui se créait, enflammé de couleur qui n’existait nulle part ailleurs. Le Globe reprit doucement son avancée, m’écrasant davantage encore de sa masse, moi qui n’était qu’une particule insignifiante. Une douce chaleur se propageait entre lui et moi, en vagues successives et presque apaisantes. Sans m’en rendre compte aussitôt, je dérivais à mon tour vers lui. Lentement d’abord, puis de plus en plus rapidement. La surface parfaitement lisse se rapprochait dangereusement de moi. J’allais m’y écraser.
Il n’en fut rien. Au lieu de disparaitre contre la sphère, comme une particule ingrate, je la pénétrais. Une onde creva en douceur l’étendue couleur de feu, me faisant pénétrer dans son intimité. Partout, cette même couleur, cette même intensité qui se voulait rassurante et salvatrice. La matrice du Globe se rapprocha de ma peau, avant de l’effleurer, la caresser, et de me fondre en elle.
À cet instant, moi avait disparu. Mélangé dans une forme qui le dépassait, le transcendait, pour finalement l’élever vers des cimes normalement inaccessibles. Moi voyait le Tout. Moi écoutait la Verité. Moi palpait la Vie. Moi respirait la force véritable. Moi goutait le bonheur absolu.
Sans qu’aucun mot ne soit échangé ni qu’aucun média d’aucune sorte ne se mêle dans cette symbiose, nous avions beaucoup changé. Ce n’était plus une simple évolution, aussi magnifique et irrévocable qu’elle fût, mais une révolution. Une révolution dans son sens originelle, un retour circulaire sur nous, pour enclencher un cycle nouveau, salvateur et novateur à la fois.
Baigné de certitude, j’ouvris les yeux. Le Globe avait disparu avec moi. À présent, nous étions nés. Différents et semblables, jumeaux rassemblés en un corps et un esprit unifié, nous portions un message vers le monde. Conscient de sa teneur, nous ne pouvions guère plus échanger sur sa véracité et sa nécessité d’être. Le Non Monde avait fini par ne plus redevenir qu’une extension de nos moi, royaume perdu où finiraient par arriver tous les héros futurs du Réel.
Alors, rassasiés et remplis d’une âme neuve, nous avons crevé le ciel mauve. Une étoile filante qui remontait sans cesse vers un point de lumière blanche. Nous étions, nous devions être ailleurs.
Nous sommes devenus.
Une certaine solennité imprima mes gestes. Je m’asseyais sans hâte, concentrais mon attention au plus loin possible de l’horizon tremblotant, dans la cabine du transporteur.
Cette fois, il n’y eut aucun lien physique. Cela ne m’empêcha pas, encore une fois, de sentir cette sensation vertigineuse de chute infinie, qui cessa lorsque ma conscience s’écrasa sur un sol en béton brut. Mes mains posées sur le sol étaient glacées, mes genoux presque emmêlés me faisaient souffrir.
Je saignais. Le non-monde ne s’afficha pas comme les autres fois. Il était devenu parfaitement semblable à celui que je côtoyais tout le temps, hormis un ciel rose fuchsia qui teintait les murs fissurés de la cour où j’avais atterri.
Diogène se penchait sur moi, juste au creux de mon oreille droite. Je sentais son souffle tiède dans le fond glacé qui courrait autour de moi. Je frissonnais, de peur surtout.
— Alors ainsi, tu crois qu’il est temps pour nous de ne plus nous voir ?
Un clou avait surgi dans sa main. Il l’approcha délicatement de mon pied gauche, en ricanant.
— Qui contrôle qui dans ce jeu pervers, Kristian ?
Il le planta, lentement. Je serrais les dents en attendant que la douleur vienne, en vain.
— Ne t’inquiète pas, continua-t-il sans cesser de sourire sinistrement. Je ne veux pas que tu sois mal Kristian. Tu es encore trop important, pour l’instant au moins. Il faut juste que tu sois un peu peur, pour que tu comprennes davantage...
— Diogène, pourquoi est-ce que... pourquoi tu joues à ça ?
Je criais presque, effrayé.
— Il doit se passer quelque chose dans le chemin de ta vie. Et ce quelque chose, je voudrais que tu le partages avec moi. Pardon : que JE le partage avec NOUS.
Ma respiration sifflait. L’impression d’étouffer m’oppressait, angoissante.
— Mais... Mais Diogène, je ne t’ai jamais trahi !
— Je préfère prendre mes précautions avant même que tu n’aies le moindre doute concernant nos buts communs.
Il attrapa un second clou dans une poche de sa veste noire. Ses yeux pétillaient de sadisme. Comme le premier, il l’enfonça avec lenteur, dans l’autre pied.
— Maintenant que tu sais comment pourrait se terminer cette entrevue, souhaites-tu m’écouter un peu plus attentivement ?
Je déglutis bruyamment.
— Ou ... Oui, Diogène.
Il s’assit face à moi, le regard neutre, comme si rien de tout cela n’avait eu lieu.
— Marcus t’a trompé.
— Comment ça ? Demandais-je d’une voix hésitante entre la peur et la curiosité.
— Il t’a trompé comme il en a trompé beaucoup d’autres, à commencer par lui même. Il a beaucoup de circonstances atténuantes, certes, mais au final, il n’a jamais joué franc-jeu. N’oublie jamais ça, Kristian.
Il me fixa froidement.
— Je ne peux que t’avertir de ceci, même si j’en sais beaucoup plus. Mais garde toujours cela en tête : dans ce bal où tu danses à merveille, il y a toujours un marionnettiste pour tenir tes ficelles. NOS ficelles, devrais-je plutôt dire...
— Et pourquoi ne pas en dire davantage, Diogène ? Si je suis en danger à ce point ? Si effectivement, Marcus n’est pas celui qu’il dit être ?
Diogène inspira. Pour la première fois, je le vis secouer la tête de gauche à droite en ricanant. Mauvais signe.
— Marcus est mon premier créateur. Le codeur source de toute ma programmation basique. Et comme n’importe quel programme informatique, aussi évolué et indépendant que je sois, je reste soumis à des règles qu’il m’est impossible de briser.
— Et ces informations en font parties, c’est ça ?
— Pas tout à fait. Elles sont « en moi », si l’on peut dire, verrouillées par un mécanisme que lui seul peut rendre inopérant. J’ai beau savoir de quoi il en retourne, il n’y a absolument aucun moyen que je ne puisse les communiquer à l’extérieur, à commencer par toi.
— Alors, Marcus est la clef de ses propres questions ?
Il hocha affirmativement la tête, avant de poursuivre.
— La seule solution viable pour le forcer à rompre ces chaines, c’est de l’y forcer à le faire. Rien d’autre.
— Tu veux qu’on...
Je baissais le ton, comme si quelqu’un pouvait nous entendre ici.
— Tu veux qu’on le tue ?
— Disons que sa mort ne sera qu’un effet secondaire du « traitement » que nous devrons lui faire subir. Ce qui est dommage d’ailleurs, c’était un homme talentueux.
Il ne put réprimer un sourire mauvais.
— Il est des choses qu’on ne doit plus regretter, Kristian. Des choses ou des hommes comme Marcus.
Il fit un geste de la main. Les clous s’envolèrent, s’écrasant quelques mètres plus loin en soulevant une poussière sinistre.
— Tu n’as qu’à me laisser faire, continua Diogène. Il suffit d’établir un contact physique avec Marcus, et tout sera terminé. Plus aucune contestation possible, et tellement de choses que tu ne seras plus forcé d’ignorer.
Il me tendit une main amicale. Je le dévisageais, méfiant.
— Marches-tu, Kristian ?
Une seule seconde. Une seule seconde suffit à considérer cette demande, affreusement tentante. C’était si facile, à ma portée. En une heure même, tout pouvait être terminé. Oui, terminé, pour de bon.
La folie, la course contre la mort, la survie à la petite semaine, les doutes, les décisions difficiles. Une fois Marcus mort, il n’y aurait plus rien. Plus de lien familial non plus.
Oui, pour moi, c’était si tentant.
— Il n’y a plus de nous, maintenant, Diogène. Je veux tout finir, sans toi ni moi.
La terre trembla, se cassant net en de profondes failles. Les murs dégoulinèrent comme de la boue, sans bruit, en rependant leur matière irréelle en de molles sommités terreuses. La lumière inonda la cour où nous étions, et enfin, je vis l’horizon du Non-Monde.
Je voyais tout. Le connu et l’inconnu, fresque vivante qui ne dura qu’un millième de seconde. La peur se mêla à une sensation moins tranchée, celle du devoir accompli avec justesse. Diogène s’était figé, sans haine ni joie, simplement surprise dans sa propre disparition.
Il n’était néanmoins pas mort. Je le savais, je le sentais, comme quelque chose d’absolument indiscutable.
L’univers instable ne dura plus. Explosion totale, presque calme, tout le non-Monde disparu de mes yeux. Seul dans l’éclat blanc d’une lumière pure me baignait, me transportant ailleurs, je ne sais plus où.
Et il revint. Maître absolu. Je n’étais plus rien face à Lui. Le Globe Mécanique me faisait face, une seconde et ultime fois. Je pouvais le regarder, l’admirer dans toute sa splendeur et sa plénitude, perfection ultime qui se présentait face à moi.
Les stries orange qui courraient à sa surface portaient une vie indéfinissable, dans le même temps si artificiel et tellement proche de ce que la Nature pouvait accomplir. Un condensé d’énergie épurée, aux dimensions si colossales qu’aucune échelle ne pouvait espérer établir une comparaison réaliste.
Simplement là, dans le silence le plus absolu, au milieu de ténèbres infinies, nous nous faisons face.
Ce n’était pas une confrontation, encore moins une rencontre. Je savais que je n’avais plus rien à craindre de cet être, et que, bien au contraire, quelque chose de profondément positif allait en ressortir .
La réponse ne fut ni rapide ni longue à se révéler. L’orbe gigantesque surbrilla, les stries orange intensifiant leur clarté au point de recouvrir l’intégralité de la surface métallique. La nuit se déchira devant l’éclat de l’astre qui se créait, enflammé de couleur qui n’existait nulle part ailleurs. Le Globe reprit doucement son avancée, m’écrasant davantage encore de sa masse, moi qui n’était qu’une particule insignifiante. Une douce chaleur se propageait entre lui et moi, en vagues successives et presque apaisantes. Sans m’en rendre compte aussitôt, je dérivais à mon tour vers lui. Lentement d’abord, puis de plus en plus rapidement. La surface parfaitement lisse se rapprochait dangereusement de moi. J’allais m’y écraser.
Il n’en fut rien. Au lieu de disparaitre contre la sphère, comme une particule ingrate, je la pénétrais. Une onde creva en douceur l’étendue couleur de feu, me faisant pénétrer dans son intimité. Partout, cette même couleur, cette même intensité qui se voulait rassurante et salvatrice. La matrice du Globe se rapprocha de ma peau, avant de l’effleurer, la caresser, et de me fondre en elle.
À cet instant, moi avait disparu. Mélangé dans une forme qui le dépassait, le transcendait, pour finalement l’élever vers des cimes normalement inaccessibles. Moi voyait le Tout. Moi écoutait la Verité. Moi palpait la Vie. Moi respirait la force véritable. Moi goutait le bonheur absolu.
Sans qu’aucun mot ne soit échangé ni qu’aucun média d’aucune sorte ne se mêle dans cette symbiose, nous avions beaucoup changé. Ce n’était plus une simple évolution, aussi magnifique et irrévocable qu’elle fût, mais une révolution. Une révolution dans son sens originelle, un retour circulaire sur nous, pour enclencher un cycle nouveau, salvateur et novateur à la fois.
Baigné de certitude, j’ouvris les yeux. Le Globe avait disparu avec moi. À présent, nous étions nés. Différents et semblables, jumeaux rassemblés en un corps et un esprit unifié, nous portions un message vers le monde. Conscient de sa teneur, nous ne pouvions guère plus échanger sur sa véracité et sa nécessité d’être. Le Non Monde avait fini par ne plus redevenir qu’une extension de nos moi, royaume perdu où finiraient par arriver tous les héros futurs du Réel.
Alors, rassasiés et remplis d’une âme neuve, nous avons crevé le ciel mauve. Une étoile filante qui remontait sans cesse vers un point de lumière blanche. Nous étions, nous devions être ailleurs.
Nous sommes devenus.