Chapitre 01 : Flesh Hunter




" Monsieur, veuillez ne pas bouger pendant que nous procédons à la vérification de votre identité. Merci " , cette phrase, combien de fois l'ai-je entendue depuis que je suis venu au monde ? Il m'est impossible de donner un nombre exact, ni même une approximation. Et si je devais donner une frèquence, je dirais que celle-ci varie considèrablement et est dépendante de mon emploi du temps. Il me tarde d'ailleurs d'enfin prendre des vacances, m'éloigner un peu de l'atmosphère morbide que m'inspire cette métropole. Les véhicules ne rejettent plus rien de polluant et pourtant ils m'étouffent à circuler partout autour de moi, au dessus et même en-dessous de moi. J'aimerais fuir toute cette agitation mais les interminables buildings m'empêchent d'avancer, ils sont là, à m'observer, à attendre que moi je les observe, que j'y jette un simple coup d'oeil et que je tombe amoureux de l'une de leurs publicités qui défilent à toute allure se faisant concurrentes des voitures qui me cernent. Et comme si les inanimés ne suffisaient pas à troubler ma paix intérieure, il faut que je me fasse bousculer par ces êtres tout le temps pressés que sont les humains. Leurs cellulaires collés à leurs oreilles, on croirait que ce sont tous leurs sens qui sont ainsi monopolisés par cet appareil de plus en plus performent. Maintenant, avec un Implant Neural, on peut communiquer avec son chef d'entreprise se situant à des milliers de kilomètres, le visualiser, lui transmettre des fichiers protégés par la simple pensée, mais on ne fait pas attention au pauvre passant lambda que l'on bouscule. Voilà une chose qui n'a jamais changé, qui n'a pas pris une ride : On ne fait attention qu'à ce que l'on peut exploiter. Les profits avant tout.

Tout ceci devrait me déprimer, me faire pèter un câble, et pourtant, je demeure calme. Il n'est pas dans mes habitudes de m'emporter, et puis, même si je voulais extérioriser tout ce qui est enfoui en moi, à quoi cela servirait-il ? Cela arrêterait-il la machine capitaliste ? Bien sûr que non, il ne faut pas rêver. Il n'est toutefois pas interdit d'avoir quelques idées utopistes, cela ne fait pas de mal, et il n'est d'ailleurs pas exclus que cela nous arrache quelques instants à la morosité qu'inspire cette vie dénuée de tout espoir. " No Future ! " disaient les slogans de ceux que l'on appelle les Punks, eux, avec leurs tenues vestimentaires d'un mauvais gout sans semblable et leurs coupes de cheveux dites :" Mohawk ", signe de leur anti-conformisme aux règles pré-établies de la " Cyber Society ". Et pourtant, le régime actuel n'est pas né d'hier, leurs parents, grand-parents voire même arrières pour certains, ont vécu cette période, tout comme eux, mais ils continuent à agir comme dans les temps reculés. L'ère moderne a laissé place à l'ère cybernétique lorsque l'Homme n'était plus capable de s'épargner une rechute dans le Moyen-Âge. La pollution apporta des pénuries, la famine conduit aux guerres, et des guerres naquirent les maladies. L'être humain dût choisir entre l'obscurantisme et la salvation. Trop gourmand, il dût suivre un régime social sévère pour expier ses pêchés et se relever de son manque d'attention aux cris de dame nature. Tout ceci ressemble à un scénario apocalyptique, comme l'aurait peut-être décrit l'apôtre Jean, mais nous n'avons plus besoin d'écrits saints pour nous conter ce que nous avons nous-même vécu, et vivons encore.

Pas de futur pour nous, seuls nos métropoles nous protègent du fléau extérieur, quant à ceux que nos éclairages artificiels ne peuvent atteindre afin d'illuminer un peu la noirceur de leurs existences, ceux-là, c'est dehors qu'ils périront. " N'est Citoyen d'une Cyberpole qu'un individu possédant une " Digital Card " valide répondant à ses empreintes digitales ainsi qu'un " Optical Receptor " répondant à l'analyse rétinienne de façon positive. Toute personne étant négative à un contrôle sera considérée comme non citoyenne et expulsée " , ainsi le stipule l'article concernant la citoyenneté de la CMOD ( Constitution Multinationale des Organisations Dictatrices ) mise en place par les directeurs des dix organisations dirigeantes de toutes les cités de la " Cyber Society " que l'on appelle les " Ten Despots " , ainsi que le Président des Organisations Dictatrices, qui est un politicien choisi par les Ten Despots sur un vote pour remplir la tâche de gouverner tous les pays qui sont sous la dictature de leurs multinationales. Les rumeurs les plus folles stipuleraient même qu'il y aurait d'autres personnes qui influeraient sur les dix chefs, mais cela n'a jamais été officiellement révèlé, surement que les dirigeants veulent préserver le secret, et à vrai dire, cela ne m'intèresse nullement.

Ce qui m'intéresse ? Voilà une question intéressante, mais j'ai bien peur que vous ne puissiez pas comprendre mes intérêts, pas si, tout d'abord, je ne vous parle pas un peu de qui je suis. Je suis un...artiste...Oui oui, voilà, disons que je suis un artiste, mais que mon art est un peu
diffèrent. Je ne suis pas peintre, mais j'ai aussi des outils de travail, es outils qui me permettent de réunirs des bouts d'oeuvres. Je ne suis pas musicien, mais à ma façon, je suis chef d'orchestre, j'assemble pour donner une symphonie exquise et sans précédent. Je ne suis pas sculpteur, et pourtant le corps humain dans ses moindres détails me fascine, le travailler est pour moi le plus grand plaisir qui soit. Ce que je suis ? Vous l'apprendrez d'ici peu, mais tout d'abord, allumons la TV et regardons ce qui s'y raconte :

" ... Ce matin, un nouveau corps a été retrouvé dans la ville de Neopolis , la métropole du Secteur Nord , et, une fois de plus, comme les deux dernières fois dans cette même cité, il nous a été rapporté que la victime a été dépecée par son tueur. D'après le porte-parole officiel des services de Police de la ville, monsieur Tom Peist , nous ne pouvons encore rien dire quant au fait que cela pourrait être l'oeuvre d'un tueur en série. En outre, il n'a souhaité faire aucune déclaration concernant les détails liés à l'affaire , ni même si la Police avait l'intention de confier l'affaire à une organisation multinationale pour résoudre l'affaire. Au seins de la population neopolienne, des images des trois victimes circulent déjà dans le Cyberspace sous l'impulsion des Hackers qui échappent au contrôle de la police..."

Foutue Télévision ! Marche ! ça coupe toujours au moment le plus intéressant !

"...Les utilisateurs du cyberspace ont dors et déjà commencé à parler du tueur comme du Flesh Hunter . La question que tout le monde se pose est bien évidemment, qui est ce Flesh Hunter ? Est-ce vraiment un tueur en série qui collectionne les peaux de ses victimes ? Est-ce juste un fou ? ..." ( Mon téléphone qui sonne ? qui est-ce ? )

Mais bien sûr. J'ai failli oublier mon rendez-vous de ce soir, mais où avais-je la tête ? C'est cette chère miss D. , une de mes nouvelles connaissances. Moi qui pensais que cet appel allait me déprimer, finalement, voir son visage apparaitre, avec ses traits si fins, sa belle peau parfaite, ses longs cheveux blonds et ses yeux verts émeraude, me remonte le moral. Comment résister à une telle créature ? Cela m'était tout bonnement impossible, alors ce fut sans hésitations que je l'invitai à sortir avec moi un soir. Notre rendez-vous prit place dans un restaurant très chic de la métropole, la soirée se passa sans problèmes, nous apprîmes à nous connaitre, j'eus même l'impression que nous nous plûmes, jusqu'à ce qu'elle m'eut demandé : "- Dites-moi, est-ce que je vous plais ? ", ce après quoi, je n'eus plus aucun doute. Mais cette chère demoiselle D. se méprenait sur mes intentions envers elle. Je lui fis comprendre qu'elle ne m'attirait pas, aussi magnifique était-elle, mais qu'artistiquement parlant, elle était parfaite pour ma prochaine oeuvre.

Ce fut, me semblait-il du moins, avec plaisir qu'elle accepta de se faire mon prochain modèle, et ce malgré son emploi du temps chargé. De ce fait, je lui donnai rendez-vous quelques jours plus tard, chez moi, mais, malheureusement, mademoiselle D. n'eut jamais l'occasion de mettre les pieds chez moi. Le lendemain de mon rendez-vous avec elle, ce fut la télévision qui, décidément éternelle porteuse de mauvaises nouvelles, annonça la trouvaille d'un cadavre, dépecé une fois de plus, à peine méconnaissable, dans une ruelle sombre de Neopolis. Les journaux soutenaient de plusen plus l'hypothèse du tueur en série dénommé Flesh Hunter tandis que, à leur habitude, les services de police se refusaient à faire une quelconque déclaration.

Tout ceci aurait dû me déprimer, et pourtant ce ne fût pas le cas...Miss D. n'aura peut-être jamais mis les pieds chez moi, mais elle fût tout de même mon modèle, puisqu'elle contribua à ce qui allait devenir mon chef-d'oeuvre, à cette magnifique tapisserie que je créais...

Il est si agréable d'avoir une peau si raffinée en sa posséssion...