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Subolithe


Par : Ostramus
Genre : Science-Fiction
Statut : Terminée



Chapitre 1 : Prologue


Publié le 02/07/2012 à 00:13:14 par Ostramus

24 Juin - 182 ans après l’enfermement


— Monsieur le maire. Il est l’heure.
Aristeb chaussa des lunettes pour mieux voir les aiguilles de sa montre. En effet, pensa-t-il sans entrain. Il secoua les bras pour détendre son costume officiel et tendit l’oreille. Le vacarme des discussions et des pas pressés résonnait sur les lourdes parois de béton annonçant que la cérémonie venait de débuter. Il inspira profondément, avant de s’élancer hors de sa loge.
Il franchit la porte en acier marquant l’entrée de la tribune et fut ébloui par le soleil artificiel. Aristeb baissa la tête pour ménager ses yeux, puis, il se redressa et put apprécier le spectacle. Devant lui et la tribune où il se tenait, presque tous les habitants de Subolithe se massaient sur la grande place du niveau Alpha et sur des gradins érigés pour l'occasion. La voûte suspendue au-dessus d’eux affichait de grands nuages sur fond d’un ciel aux nuances d’azur éclatantes. Les habitants lançaient des confettis et regardaient de leurs fenêtres la population de Subolithe en procession, des cris d’ovations jaillissaient de la foule, la musique escortait enfants comme adultes dans un tourbillon d'allégresse. La fête battait son plein.
Lorsque la foule l’aperçut arriver, le maire fut acclamé par des vivats et un torrent d’applaudissements. Aristeb ne parvint pas à se défaire de son appréhension et renvoya aux habitants un sourire sans joie. Il se hissa au sommet de l’estrade et se plaça devant un pupitre tandis qu’un groupe d’hommes vêtus d’étranges combinaisons prenaient place derrière lui. Il tapota machinalement sur le micro devant lui et un silence assourdissant s’abattit aussitôt. Troublé par les enjeux, il ouvrit la bouche, mais les mots peinèrent à sortir. Les regards impatients le ramenèrent rapidement à sa condition. Il s’éclaircit la gorge, puis débuta son discours.
— Habitants de Subolithe, je vous salue et suis comblé de vous voir si nombreux présents par cette journée historique. Car il est vrai, ce jour marque un tournant décisif dans notre histoire. C’est partagé entre la joie et l'honneur, que je vous présente les plus courageux d'entre nous ; la fierté de notre digne cité, qui vont aujourd'hui partir pour nous. Jadis, nous dominions toute la surface de la Terre. Notre puissance s'étalait limpide sous les étoiles, et notre pouvoir semblait infini.
Il marqua un temps, et baissa d’un ton.
— Pourtant... tout cela fut anéanti par notre vanité, tout cela fut détruit par notre orgueil, tout cela fut perdu à cause de notre enthousiasme aveugle. Subolithe est le châtiment pour avoir détruit notre planète. Ne faisons pas de la rancoeur notre doctrine et tâchons plutôt de nous souvenir du passé afin de ne pas nous fourvoyer une nouvelle fois.
Le maire laissa ses paroles imprégner la foule. Il reprit :
— À présent, nous avons su tirer les leçons des erreurs de nos pères. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme, dit-on. Notre conscience est née des souffrances de Subolithe. Elle est désormais adulte et raisonnée. Le moment est venu, habitants de Subolithe ! Nous sortirons bientôt, nous reverrons la surface, et nous serons en mesure d'édifier un monde meilleur sur les ruines du passé. Je sais que bon nombre d'entre vous étaient réticents quant à cette expédition. Et bien, sachez que je me porte garant de sa réussite ; car ce n'est pas sur un espoir fou et incertain qu'est fondé ce périple, mais sur la certitude que l'humanité retrouvera les cieux et reprendra sa place sur notre bonne vieille Terre.
Un tonnerre d’applaudissements emplit le niveau et résonna sur la voûte du ciel artificiel produisant un vacarme auquel se mêlèrent des cris de joie et des sifflements d’encouragements. Aristeb réfréna un rictus de dégoût pour lui-même avant de lever la main pour faire revenir le silence. Il poursuivit d’un ton impétueux :
— Ainsi donc, laissez-moi vous présenter Luqio Talerei, qui conduira cette expédition et amorcera le retour d'une nouvelle Humanité, plus forte, plus consciente donc, sur ses terres, dont elle fut chassée pour son antique vanité, maintenant révolue.
La silhouette imposante d’un homme barbu sortit du rang et agita vigoureusement le bras pour saluer la foule. Luqio serra la main du maire avant de prendre la parole à son tour. Aristeb n’écouta pas un mot, détaillant les milliers de personnes qui les observaient avec ferveur. La lumière qui les baignait dissimulait un quotidien lézardé par l’usure et des pannes qui, en coulisses, contrariaient le bon fonctionnement de la ville. Tandis que Luqio expliquait que l’expédition ne pouvait se solder que par un succès, le maire se remémorait l’instant où lui et ses conseillers avaient opté pour cette mission. Depuis quelques années, une évidence avait fait jour parmi les dirigeants : Subolithe n’avait rien d’éternelle, encore moins leurs vies sous terre. Comme le salut de la surface tardait à venir, ils avaient décidé d’aller à sa rencontre. Impavide, Aristeb observait Luqio et sentait son estomac se nouer. Le chef de l’expédition lui avait confié la garde de son unique enfant, Stedren, et il avait accepté en espérant qu’il s’entende avec sa fille Solfia. Malgré les incertitudes, Aristeb misait sur leur retour et était certain que leur absence ne serait que temporaire.
Luqio se mit à décrire avec quelle minutie la sortie avait été si bien préparée. Il rappela la nécessité d’une telle entreprise et se félicita de la composition de l’équipe, qu’il entreprit de présenter. Aristeb tira alors sur une corde pour faire tomber une immense bâche derrière la tribune qui virevolta quelques secondes avant de toucher mollement le sol. La foule découvrit une imposante disque métallique d’une vingtaine de mètres de diamètre. Un nouveau silence, contemplatif cette fois-ci, s’installa. Tout le monde savait de quoi il s’agissait ; la porte du tunnel, l’unique accès vers la surface.
— Je vous salue peuple de Subolithe, termina Luqio, et vous dis à bientôt.
Le maire s’approcha d’une console placée à côté de la porte pour y faire courir ses doigts. Une vibration ténue précéda un son peroxydé et l’iris de la porte commença à s’entrouvrir lentement. Le jeune Stedren choisit ce moment pour émerger d’un gradin et se jeter dans les bras de Luqio. Celui-ci tenta de contenir sa surprise et enlaça son fils. Il desserra son étreinte et plongea ses yeux dans ceux du petit garçon. Sans un mot, ils discutèrent et se comprirent. Stedren opina de la tête. En fait, il acquiesçait par résignation et Aristeb lut dans ses yeux son regret de n’avoir rien pu faire pour retenir son père. En regardant sa fille au premier rang de l’estrade, il mesura quelle devait être la douleur de la séparation et reconnut l’ampleur du courage des explorateurs en se disant qu’il n’aurait jamais pu avoir la force de sortir.
Puis, tous formèrent une ligne afin de laisser les photographes les mitrailler avant que Luqio et son équipe ne pénètrent dans l’ouverture béante. Celle-ci terminait de s’ouvrir sur un immense sas au fond duquel se dessinait une seconde porte. Les hommes saluèrent les habitants agitant les bras, et s’avancèrent dans le sas. Une fois la porte donnant sur le niveau refermée la seconde s’ouvrit et l’équipe commença son ascension vers la surface.
La foule demeura muette un long moment, contemplant la porte close durant de longues minutes. Chacun s’imaginait le retour, avec la perspective d’un futur plus heureux. Et tandis que tout le monde se dispersait pour rentrer chez soi, Stedren ne cessait de fixer le disque de métal.
Ce ne fut que bien plus tard dans la soirée, lorsque la lueur factice du soleil déclina, qu’Aristeb se décida à rentrer chez lui avec Solfia et le jeune garçon, persuadé que tout se passerait bien.


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