Chapitre 7 : Orange Sanguine

Vendredi, fin d'après-midi. Aujourd'hui et pour la première fois depuis 2 années, je n'ai pas été déjeuner à mon café habituel. Une envie de changement ? Probablement. Je n'y ai pas été pour voir si Gwen le remarquerait lundi matin.

Je suis désespéré à ce point, certains diront, mais je fais juste ça pour voir si au moins elle le remarquerait. La logique voudrait que oui et que même si elle me demande la raison ça ne changerait rien, après tout cela fait 2 ans qu'elle est habituée à me voir. Sa réaction n'en serait que normale et à nouveau je repartirai déçu. Voilà comment pense un désespéré comme moi, j'en suis à mettre au point des stratagèmes ridicules pour voir si quelqu'un daigne me prêter une once d'attention

. Mais après tout, c'est toujours mieux que de continuer à exercer ma routine de robot. J'ai décidé de changer, et que grand bien m'en fasse. J'évite de trop repenser à ce qui m'est arrivé hier, c'était désagréable et je n'ai pas envie de garder cela en souvenir, de même que je n'espère ne plus jamais à subir ce phénomène. De toute façon, à présent, je veille à ne plus manquer à mon traitement. Si cela permet de m'éviter mes hallucinations, dans ma tête, je suis toujours le même. Je sais qu'ils sont là. Je sais aussi que le moment de m'occuper d'eux n'est pas venu. Pour l'instant je dois vivre ma vie, me reprendre en main. Si je veux les attaquer je dois d'abord être préparé, et pas qu'un peu.

Mon téléphone sonne. Je réponds. Au bout du fil, Tom, le cinéphile accompli.

"Blue ! Je suis content d'entendre ta voix ! Ben m'a mis au parfum sur ta crise de hier... Je suis là si tu veux en parler. "

"Tom ! Ca me fait plaisir de t'entendre, moi aussi. Merci de t'inquiéter pour moi, mais j'ai tourné la page sur cette mauvaise passe. Ca a assez pourri notre relation par le passé... juste, évitons d'en parler, d'accord ? Je vais bien. "

Je lui lance ces quelques phrases sur un ton à la limite de l'irritation.

" D'accord, ne t'en fais pas. Je voulais te dire, dors tôt ce soir. J'arrive demain dans la matinée pour qu'on prépare la fête. Va y avoir du monde, y compris la p'tite cochonne de Violette, donc garde quelques confiseries pour elle ! "

Je ris de bon coeur.

" Roh, t'es immonde Tom ! Même si effectivement, Violette était loin d'être catholique. "

"Et si elle l'était elle aurait fini sous le bureau du curé pendant l'office ! "

"Mais qu'il est con ! Enfin, merci pour le coup de main. Avec toute cette agitation ces derniers jours j'avais un peu oublié ça."

"Ouais, il y a pas de quoi. Et c'est pas tout. J'ai un projet, mais un projet concret. Tu te souviens de ce qu'on se disait à l'époque du lycée ? Que ça allait être toi et moi ? Qu'on allait se faire un nom dans ce monde pourri ? Et bah moi j'ai toujours ça en tête. Et ça ne touche pas qu'à la réalisation. Je vais commencer par cela, bien entendu, mais mes projets sont bien plus grands. On va devenir grands, Blue ! Très grands ! Je te parlerai de tout ça demain, pendant qu'on préparera tout. "

Il ne me laissait pas placer un seul mot. Tom est adorable, mais visiblement il n'a toujours pas les deux pieds sur terre ni la tête sur les épaules. Toujours à rêver d'une caste à laquelle nous ne ferons jamais partie. Néanmoins son engouement démesuré me fit échapper quelques ricanements incontrôlés.

"Haha ! Bien sûr, Tom. On sera des stars, on touchera des millions et on aura des putes de luxe "

"Prends ça à la rigolade, mais ne t'en fais pas, je ne suis pas né sur ce bordel à plus de six milliards d'âmes pour mourir inconnu, dans l'oubli et sans rien n'avoir apporté à l'humanité. Bref, je serai en ville dans la matinée. Je dois raccrocher. Au revoir, Blue. N'oublie pas, c'est toi et moi. "

Je risque d'avoir un week-end chargé.
Je passe le reste de la journée à appeler tous ceux censés venir demain afin d'établir une liste des attendus. Je tiens quand même à savoir qui franchira la porte de mon studio. Porte que je n'ai toujours pas changée d'ailleurs.... Le magnifique trou dans la porte d'entrée risque d'éveiller pas mal de questions, mais je ne pourrai rien faire pour pallier à ce problème avant la semaine prochaine.
Et en attendant demain...