Il est en retard. Ce salaud d'Axel est encore en retard. Quelle journée de merde, pour mes dix-huit ans ...
J'allume ma cigarette et m'assois sur le trottoir.
Fraicheur de décembre, douce bise qui caresse mon visage ... Merde. Faut que j'arrête de faire mon poète. La vérité, c'est que je me pèle les couilles.
Une longue heure s'écoule. Axel est toujours pas là. Lui qui est si ponctuel ... Évidemment, il répond pas.
Je reçois un SMS de ma copine. "Viens chez moi".
J'aimerai bien, ma belle ... Mais j'ai pas attendu tout ce temps pour rien ! Et puis on doit aller passer la soirée chez Paul. Toujours rien. Je chevauche mon scooter et vais chez Mélanie. C'est sûr qu'une chemise à manche courte, c'est classe, pour une soirée. Par contre, en hiver, avec le vent glacial qui me fouette la peau, c'est la loose.

J'enlève mon casque et sonne à la porte de Mélanie. On ne m'ouvre pas. Je toque. Toujours rien. J'ouvre discrètement et je suis plongé dans le noir total ... Je cherche l'interrupteur pendant une poignée de seconde. Ah, il est là.
"SURPRISE !" hurlèrent des tas de gens sortant de derrière le canapé, à côté de la table, et même sous le tapis.
Aaaaaah, les cons ! Vraiment ! Je m'y attendais pas !
Un grand buffet, des dizaines de boissons, mes potes ... Ça s'annonce d'être une méga soirée !
Quelques heures plus tard, je me rend compte qu'elle est un peu trop bien, même. Je commence à ne plus être lucide du tout. Yannick a vomi de partout, le con.
On entend une voiture klaxonné dans le jardin. Je sors en trombe voir ce qu'il se passe. Une magnifique Peugeot rouge flambant neuve, emballée par un énorme ruban écrit dessus "À tes 18 ans, Tom !"
C'est comme si je n'avais vécu pour voir que ce moment. Une voiture ! Enfin !
Je monte au volant. Rien à foutre si j'ai pas le permis, je peux pas laisser ce bijou sans propriétaire. Axel se met au siège passager, Mélanie et Yannick à l'arrière. J'arrive à l'allumer et sortir du jardin. C'est simple, en fait.
Même sur la route, c'est simple. Yannick qui est autant bourré que moi insiste pour qu'on aille acheter de l'alcool à l'épicerie ouverte H24. Axel est contre cette idée. Il faut passer par un carrefour, et que je n'ai pas encore le niveau pour faire ça.
Quel rabat-joie ! Bien sûr que je vais y passer, par ce carrefour, je suis déja un pilote, moi !
Je passe tranquillement le feu rouge, tout va bien. Non ! Non ! Je viens de passer le feu rouge, putain !

Je me relève. Enfin, non, je me relève pas. Je suis couché dans un endroit blanc. Axel ... Yannick ... Mélanie ... Leur corps sont autant mutilés que le miens. Mélanie est au dessus de moi, et me regarde en pleurant. J'ai envi de redresser pour la prendre dans mes bras. Mais ... Je ne peux pas ?! Hé ho, qu'est ce qu'il se passe ?
Pourquoi Axel non plus ne bouge pas ?! Et d'abord, je suis où, hein ?
Je ne suis qu'un lambeau. Mon corps est déchiqueté et est incrusté de verre. Bizarrement, je n'ai pas mal du tout. Oh ! Que fais cette homme en blanc ? Pourquoi est ce qu'il me couvre d'un drap ?! Sortez moi de là ! Bon sang !

Cette fois ci, c'est quatre mecs en noir qui me transportent. Dans une grande boite. Oh non ! Voilà mes parents. Je lis la plus grande tristesse que je n'ai jamais vu dans les yeux de mon père. Papa ... J'ai 18 ans et je n'ai jamais pu te dire que je t'aimais, que tu es un modèle pour moi. Oh ... Et maman ... Elle ne pleure pas. Elle, qui, pourtant, pleure quand un poisson rouge est mort. Elle a les larmes aux yeux et se mord les lèvres jusqu'au sang. Et voici le tour de mon frère et de ma soeur ... Ils n'ont aucunes expressions du visage. Ce ne sont que des corps vides. Mon petit frère de six ans me regardent et me souris. Je pense qu'il croit que je rigole. Ma soeur explose en sanglots.
Mélanie se penche au dessus de moi. Elle a des pensements et des plâtres de partout, mais elle est vivante. Yannick est dans un fauteuil roulant. Axel est lui aussi mit dans une boîte.
Les mecs en noir vont me mettre dans la fausse. Par pitié ! Ne faites pas ça, je vous en conjure ! Je viens d'avoir 18 ans ! J'ai toute la vie devant moi. Je veux me lever, me réveiller. Sauter, courir, danser, chanter ... Etre jeune ! J'ai tant attendu pour être enfin libre, 18 ans, l'âge de raison ! S'il vous plait.
Je ne veux pas mourir, mon Dieu. Je viens à peine d'avoir 18 ans.